extension du domaine de l’abstrait
Du 23 janvier au 20 février 2022
Commissariat Philippe Cyroulnik
‘Extension du domaine de l'abstrait’
L’exposition regroupe les œuvres de 19 artistes de différentes générations et disciplines (dessin, peinture, photographie et sculpture).
Sans être exhaustive elle rend compte de la vitalité et la pluralité de ce qu'il est convenu d'appeler l'abstraction aujourd'hui.
‘Expansion of the abstract world’
The exhibition gathers the works of 19 artists of different generations and disciplines (drawing, painting, photography and sculpture).
Without being exhaustive, it reflects the vitality and plurality of what is known as abstraction today.
ls participent des différentes problématiques picturales et artistiques configurant la topographie actuelle de l'abstraction ; jusque dans ces zones où la frontière entre son territoire et celui de la figuration est plus ténue. Cela inclut des domaines où des problématiques propres à l'abstraction et aux expériences dont elle a été le champ, sont motrices d'œuvres qui peuvent en passer par la figure ou investir le réel. Certaines peintures sont pensées dans une relation au volume ou à l'architectonique, certaines sculptures prennent en charge un chromatisme issu de la peinture. L'autonomie de l'objet et des variations de sa configuration amène d'autres à délaisser la toile au profit d'un support solide (bois ou MDF) propice aux modulations de ses contours, voire d'une volumétrie le détachant du mur ou autorisant une dialectique du plan et du vide. La toile peut être couvrante ou couverte, le matériau opaque et plat, translucide, ou ondulant, le support classique ou industriel, solide ou fragile .
Certains s'inscrivent, mutatis mutandis, dans des traditions fondatrices et historiques de la peinture et de l'art comme l'abstraction géométrique et le minimalisme pour une part et l'abstraction gestuelle ou expressionniste d'autre part; d'autres ont intégré l'expérience chromatique du Pop'Art. Mais on peut percevoir l'impact des pratiques et réflexions propres aux courants dé-constructifs ou analytiques comme support-surface ou l'art conceptuel; ainsi que des approches passant par une réflexion sur les différents paramètres au travail dans le processus de production de l'œuvre: gestes, matériaux, statut de la couleur, relation entre forme et figure, objet et tableau, geste et trait. Certaine des œuvres ici prennent en charge le programmé ou l'aléatoire, et parfois les associe. Chez toutes et tous la rigueur n'est pas nécessairement synonyme de dogmatisme, l'économie de moyens n'interdit pas la subtilité visuelle, l'épure la force de l'impact. On peut voir se marier le grotesque et le formel dans des combinaisons subtiles, l'orthogonalité permettre des décentrements du regard ou des variations produire des subtilités perceptives. La couleur peut être ourlée par le geste, riche de sa matérialité, sourde ou vive, construite par la ligne et affirmée par le plan. Elle peut absorber ou tenir à distance, s'épandre ou configurer. Le processus est tout aussi important que l'abouti d'une forme. La lumière elle-même est un outil de production. Jusque dans le réel environnant il est possible de puiser des éléments structurant des oppositions entre le construit et le souple, le dur et le mou, l'émergence et la dissolution.
La peinture est ici confrontée aux potentialités de l'outil qui la dépose ou la projette; le matériau à la main qui le travaille entre la forme et l'informe, l'empreinte et le modelage; la photographie à la lumière qui la révèle, ou l'altère et la trouble. L'œuvre mobilise autant le diaphane et la transparence que l'opacité et la densité. Le solide et le fragile. Le combinatoire et l'exercice de style permettent ici de remettre en jeu la question du pictural et du sculptural. Formes et couleurs peuvent fonctionner comme la correspondance ou l'écho formel d'un lieu, l'expérience d'un paysage dont il ne reste qu'une trac,e qu'un éclat ou une ombre. Elles peuvent être aussi constitutives d'un univers ou d'un objet spécifique qui se propose à la vision et à la perception. L'aléatoire ne se réduit plus au seul hasard, il peut être programmé et organisé. Entre l'excès et le retrait, entre le lisse et le rugueux, le peint et le non peint, le flou et le net, entre l'expressif et le méditatif, les combinatoires des plans et des lignes et les impulsions du geste, les blancs et les repentirs, le débordement, les coulées et les effacements se déploie un art de l'expérience. Entre le livre d'heure et la séquence colorée, le répétitif et l'accidentel, le silencieux et le chahut, le réflexif et l'ironique, se décline l'éventail des possibles de ce territoire de l'abstrait. L'intelligence de leurs moyens, l'étendue de leurs modes d'investigation et de leurs supports montrent combien ces artistes sans se soumettre aux dogmes, refusent les doxas contraignantes mais en toute connaissance de son histoire en assumant leurs partis-pris. Ces artistes sont des acteurs essentiels de son dynamisme. Ils et elles en relancent les enjeux, montrant que l'abstraction est bien loin d'avoir épuisé ses ressources.
Philippe Cyroulnik