Article de Beware!, 25 janvier 2022
“Octave Marsal, c’est un artiste dont les œuvres vous marquent d’un seul regard ou plutôt d’un unique scroll via son compte Instagram, tant son coup de crayon est précis et les décors qu’il plante au gré de ses planches sont majestueux.
Il y a longtemps que ce petit génie du dessin ne me laisse pas indifférente. L’oeuvre qui un jour m’a totalement subjugué, c’est “La Cité Cavalière”, un magnifique croquis d’une monture digne des plus grands destriers de la Rome Antique, enfermée dans une cité aux courbes aussi parfaites qu’irréelles, le tout tissé dans un carré de soie signé Hermès. Cette alliance du dessin à la mode, prend tout son sens lorsque l’on découvre qu’Octave Marsal a été diplômé en 2014 de la prestigieuse Central Saint Martins College of Art and Design de Londres – où ont étudié des designers de renommée mondiale tels qu’Alexander McQueen, Kim Jones ou encore Riccardo Tisci – avant d’obtenir en 2017, un Master en Art au Royal College of Art.
Beware: “ Toi qui t’es d’abord formé au sein de ces écoles incroyables que sont le Royal Collège of Art et Saint Martin School de Londres, quand as-tu eu le déclic pour l’Art ? “
Octave Marsal : “ Très tôt. En effet, j’ai beaucoup baigné là-dedans puisque ma mère était architecte et professeure agrégée d’arts plastiques et mon père lui, travaillait dans la communication. Aussi, j’ai beaucoup voyagé dans le but de voir des expositions lorsque j’étais plus jeune. Seulement, j’ai eu un parcours très chaotique au collège et au lycée, mais en faisant tout mon possible pour obtenir un baccalauréat général.
C’est ce qui m’a permis d’entrer dans les études artistiques où j’ai d’abord intégré une classe préparatoire de deux ans pour pouvoir accéder aux grandes écoles. Ensuite, j’ai eu la chance d’aller en Angleterre pour intégrer la Saint-Martin’s School dans la spécialité Beaux-Arts. Au cours de cette licence, j’ai vraiment appris à chercher ma technique personnelle et ma vocation. Ensuite, j’ai été reçu au Royal Collège, qui selon moi est la meilleure école d’art du monde. Elle est école très sélective avec seulement 30 reçus sur 2000, et j’ai très vite compris pourquoi.
Les anglais aiment les artistes contemporains qui sont avant tout des acteurs engagés dans la politique, des contestataires, dont l’art dénonce notre société. Cette idée a été très dure à matérialiser pour moi, car j’avais du mal à développer le concept plus que la technique. Le Royal Collège a vraiment été pour moi la meilleure expérience, humainement avec des professeurs et des élèves incroyables et techniquement avec des moyens exceptionnels mis à disposition comme la plus grande imprimante 3-D d’Europe, la plus grande machine CNC. C’est avec ces outils dingues que les élèves peuvent par exemple créer des livres, faire de l’édition. Il y a d’ailleurs la presse de David Hockney (l’artiste a étudié au Royal College of Art entre 1959 et 1962). Moi, j’ai eu beaucoup de chance puisque j’ai commencé à travailler avec la maison Hermès en faisant des carrés de soie lors de ma dernière année de master au Royal Collège. Je dirais que c’est ma très grande qualité technique en noir et blanc alliée à mon esprit de composition – et aussi parce que l’univers équestre m’allait bien – que j’ai pu me démarquer auprès de la maison de couture.
C’est comme cela que je suis rapidement entré dans le monde du travail en finissant mes études et que depuis, je sors un carré par an pour Hermès, tout comme une trentaine d’autres artistes permanents. “
B : ” Tes œuvres font ressentir avec rêverie, un amour pour l’Histoire et l’architecture chez celles et ceux qui les admirent, quelles sont tes sources d’inspiration ? “
O.M : ” Je pense que lorsque l’on commence à dessiner, soit on va vers le corps, soit on va vers la représentation du volume et de l’espace. Moi, je me suis plus dirigé vers celle du volume et de l’espace : les paysages, l’architecture, la perspective, la perspective atmosphérique. Je pense que mes principales inspirations, c’est la gravure, de la Renaissance jusqu’au 18ème siècle : Piranèse, Dürer, Gustave Doré, etc. J’aime beaucoup la gravure et c’est souvent une inspiration. J’ai d’ailleurs développé un thème qui s’appelle « L’impossible Patrimoine Antique » que je veux développer sur ces prochaines années en galerie. C’est là l’idée un peu surréaliste d’avoir des traitements très à l’ancienne comme de la gravure sur cuivre ou du dessin, qui réplique la gravure, mais avec quelque chose d’assez surnaturel et fantasmagorique en changeant la proportion des objets, en donnant quelque chose d’un peu impossible. Seulement, je travaille en parallèle pour des projets plus commerciaux. En ce moment, je suis notamment en train de préparer une collaboration sur 2022 avec Pierre Hermé, en tant que directeur artistique. Donc, j’ai des projets davantage commerciaux et longs à travailler comme celui-là, mais aussi un travail d’artiste où je vais faire des salons, des productions, un solo show ,d’ailleurs prévu en mars à la galerie Bessières. Enfin, sur l’île des Impressionnistes à Chatou, où j’ai l’habitude d’y exposer des dessins plus personnels.
Pour revenir à mes sources d’inspiration, coté architecture, le dessin d’architecture a été mis à l’écart dans les années 1990 avec l’arrivée de l’ordinateur. Seulement, moi j’aime revenir à ce sentiment de dessin, de pensée, de croquis qu’avaient les architectes auparavant. Le dessin avait là son utilité, aussi bien pour concevoir l’architecture que pour donner des plans à des maçons par exemple. Donc voilà, la représentation, et notamment la représentation utopique de l’architecture, m’intéresse plus que des choses réelles. C’est pour ces raisons que l’architecture est souvent au centre de mon travail. “
B : ” Finalement, au vu de tes projets à la fois très personnels mais aussi commerciaux, qu’est-ce qui te plaît le plus ? “
O.M : ” Il est vrai que la carrière d’un artiste contemporain se fait sur de nombreuses dizaines d’années. Ce que j’aime bien avec les marques et des projets plus commerciaux sur lequel je travaille, c’est qu’il y a une rigueur qui pour moi est importante avec des deadlines, des réunions, des rendus, des évènements et objectifs. C’est un sentiment de normalité que l’on ne retrouve pas lorsque l’on développe simplement son art. Seulement, c’est aussi être contraint à « ferrer » celui-ci par le brief. ”
B : ” Si tu devais retenir un moment qui a marqué ta jeune carrière, ce serait… “
O.M : ” Personnellement, je trouve que l’art est assez élitiste dans la cote des oeuvres. C’est pour cela, qu’à contrario, il y a un projet très fort que je retiens et que j’ai réalisé avec mon ami de longue date et associé, Théo de Gueltzl, qui lui est photographe et avec qui je collabore sur des carrés à quatre mains pour Hermès notamment. Avec lui, j’ai réalisé le premier clip de Bob Marley pour son 75ème anniversaire sur la chanson « Redemption song ». Ce clip représente 2600 dessins sur la chanson synchronisés sur le son de Bob Marley. En 2019, nous sommes partis pendant six mois en Jamaïque sur les traces du chanteur pour constituer un storyboard et comprendre d’où venait le rastafaray.
Tout était très encadré par la famille de Bob Marley, et l’on a ainsi réalisé une animation à la main sur cette chanson iconique et très politique car très engagée. Donc, je dirais que c’est le projet dont je suis le plus fier et qui restera un peu comme un OVNI dans ma jeune carrière artistique. Non seulement parce que c’est un artiste que j’aime particulièrement mais aussi parce qu’à travers ce clip, mon travail peut être compris et apprécié sans avoir à débourser des fortunes via des cercles privés et des milieux très favorisés.
Cela nous a aussi ouvert les voies dans l’univers de l’animation puisque l’on a ouvert une société de production suite à ce clip « Rédemption Studio », qui nous permet de faire pas mal d’animations, aussi bien pour des personnes privés que pour des marques ou l’audiovisuel. En ce sens, j’ai un rêve qui est de faire un grand opéra visuel dans une dizaine d’années à la Philharmonie par exemple, permettant de travailler vraiment la synchronisation entre la musique et l’image. ”
B : « Après avoir été représenté par la galerie Bessières. Enfin, collaboré avec la maison Hermès, quels sont tes prochains projets ? »
O.M : ” Tout au long de l’année 2022, je vais d’abord être très pris par ma collaboration avec Pierre Hermé. Ensuite, en mars prochain, je réaliserai un solo show à la galerie Bessières. Enfin, je peux vous parler de la marque de Haute joaillerie d’art que j’ai d’ores et déjà créé avec des associés, nommée « Octave Marsal Haute joaillerie d’art ». L’idée de ce projet est de développer des bijoux de Haute joaillerie, mais qui soient imaginés comme des sculptures qui renferment des pierres précieuses.
Ce que l’on souhaite, c’est exposer des bijoux qui racontent une histoire et qui ne peuvent être exposés qu’à l’occasion de grands évènements d’art contemporain. D’ailleurs, en septembre dernier, mon premier bijou, « Le Dôme de Jouvence », a été exposé sur le stand de la galerie Bessières à Art Paris, au Grand Palais. Il s’agit d’une bague avec un dôme en ruine qui contient à l’intérieur une pierre précieuse incroyable, une favorite de 40 carats. Vous comprendrez que l’idée est vraiment d’aller vers la narration dans la Haute joaillerie. “
Un artiste dont je ne saurais que trop vous conseiller d’aller à la rencontre de ses oeuvres, en vous rendant à la galerie Bessières, sur l’île des Impressionnistes.”